Word World (par Jacques Demorgon)

Extraits de Hommage à Jean Christophe Victor

Chine, 3000 ans d’invasions assimilées et primat d’un Politique impérial

Sur le territoire de la Chine, à la fin du 3ème millénaire av. J.-C., on a la dynastie des Xia, jusqu’au 18e siècle ; les Shang jusqu’à 1025 av. J.-C. Et, enfin, les Zhou, avec trois périodes dont les deux dernières connues comme « Printemps et automnes », puis « Royaumes combattants ». Le Royaume de Qin l’emporte et commence la Chine proprement impériale avec le premier empereur dont on a découvert le mausolée aux sept mille fantassins de pierre. Les Han s’étendent ensuite de la Mongolie à la Corée ; de l’Asie centrale au Viêt mam. La suite de cette histoire quadri-millénaire peut s’évoquer en une incroyable suite d’invasions des tribus nomades du Nord de l’Asie. On a, d’un côté la libre énergie des éleveurs nomades ; de l’autre, l’énergie « distribuée » des agriculteurs sédentaires. Ceux-ci ne vont pas cesser de se protéger des invasions, construisant là où ils le pensent nécessaires de gigantesques murs protecteurs. En vain, les nomades passent quand même et cela au long des siècles. Il n’y a pas « une » grande muraille de Chine, il y en a de nombreuses Si on les ajoute,  elles atteignent les 26.000 km. Mais 3e caractéristique : les nomades vainqueurs s’installent dans l’empire vaincu en reprenant ses structures et ses fonctionnements. A chaque fois un mixte opère avec plus ou moins de problèmes « interculturels ». Derniers vainqueurs, les mandchous s’installent au pouvoir en Chine et la gouvernent pendant trois siècles jusqu’en 1912. Bref, si les dynasties sont vaincues, la Chine, elle, persiste et perdure. Avec une conséquence : elle est sans doute le pays dans lequel la politique s’est installée et consolidée comme activité principale constamment refondée.

Chine. Sciences et techniques selon Cosandey : Pourquoi progrès et arrêts ? 

David Cosandey (2007) nous a gratifiés d’une géohistoire globale et planétaire plurimillénaire à la recherche des causes des progrès scientifiques et techniques. A l’origine, la Chine est en tête voire même seule. Pour certains de ces progrès, ils s’y produisent parfois plusieurs siècles, voire même un millénaire avant l’Europe, comme le biochimiste et sinologue Joseph Needham  (2004) l’a établi dans plus de 25 volumes d’études. Ce travail considérable ne l’a pas empêché de poser ce que l’on a nommé « le problème de Needham » : Pourquoi cette science chinoise s’est-elle interrompue alors que la science européenne bien plus tardive, une fois lancée, s’est poursuivie, développée, amplifiée ? Cosandey (2007) reprend le problème à son compte et titre son livre de façon un peu « médiatique » : Le secret de l’Occident. Il lui faut deux thèses pour lever ce secret. Ses études systématiques montrent que les progrès scientifiques et techniques ont d’abord été tributaires de circonstances exceptionnelles mais les mêmes dans tous les pays. Pas de progrès si l’histoire est chaotique. Pas de progrès non plus si elle est trop stable du fait, par exemple d’un pays qui domine tous les autres et dans lequel un empereur tout puissant s’impose. Il n’y en aura que dans une conjoncture exceptionnelle. Il faudra deux (ou n) pays qui se trouvent en concurrence mais dans des conditions politiques et économiques pas trop inégalitaires. Chaque pouvoir politique cherche à l’emporter. Comme la rivalité se maintient, un groupe de chercheurs et d’inventeurs a le temps de se développer dans chaque pays. Ce fut le cas en Chine tout au long de la période dite Printemps et Automnes (-722, -481) et de la suivante justement nommée des Royaumes Combattants (-481, -221). A la même époque, des circonstances analogues vont permettre ailleurs aussi des progrès scientifiques et techniques considérables. D’abord, du fait de la rivalité des Cités grecques. Ensuite, du fait de la rivalité des Empires hellénistiques issus de l’Empire géant d’Alexandre partagé après sa mort.

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